Jan a dit

Etranger vivant dans le Sud-Ouest, aussi appelé "France profonde", je suis ce qu'on pourrait appeler un râleur. Ou tout simplement quelqu'un doté d'un esprit critique. Les avis sont partagés. Et c'est justement pour partager mes avis avec vous, que j'ai créé ce blog. En me faisant presque toujours aider des illustres duettistes Paule & Mick pour la rédaction d'articles...

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vendredi, juin 05, 2009

Grande distribution pour fortes encolures


Une des conséquences du capitalisme ravageur est que les entreprises développent de plus en plus leurs produits en fonction uniquement de leur propre intérêt, en dépit de la qualité et sans le moindre égard pour le consommateur. Seule compte encore aujourd'hui la rapacité au gain.

Un exemple parmi d'autres est la tendance actuelle, dans les enseignes de la grande distribution mais également dans les chaînes franchisées, de ne proposer les chemises pour hommes qu'en quelques encolures mal taillées.
La première transgression fut, il y a déjà de nombreuses années, de reprendre indûment la structure des tailles appliquées dans la maille, en remplacement des encolures classiques.

Ainsi donc, on passa d'encolures (et partant de carrures, longueurs de manches et longueurs de pans correspondantes) unitaires et parfaitement adaptées aux différences morphologiques de la population, à des regroupements par deux, pour aboutir aux correspondances farfelues suivantes :



XS

S

M

L

XL

XXL

35-36

37-38

39-40

41-42

43-44

45-46



Si, pour certains articles de maille seulement, ces tailles "doubles" pouvaient se justifier par la relative élasticité du point de tricot et / ou du fil à tricoter utilisés, il est aisé de comprendre que l'absence totale de "jeu" propre à une chemise en général, et à ses cols, manchettes et pattes de boutonnage entoilés en particulier, n'allaient jamais permettre à une personne ayant une encolure 38 de rentrer dans une chemise "S" taillée sur base d'une encolure 37. Une telle chemise ne se donnerait pas assez pour permettre un port confortable.

Il est donc évident qu'en réalité les chemises proposées selon ces nouvelles tailles ne conviennent qu'à l'encolure supérieure de cette pseudo-taille. Et il est donc tout aussi évident que cette même chemise pendrait lamentablement de toutes parts sur une personne ayant l'encolure inférieure. Car ne l'oublions pas, outre le col, la taille se répercute également sur la carrure, les manches, les pans, tous ridiculement surdimensionnés pour une personne ayant l'encolure inférieure.

Que le consommateur, c'est à dire le client final, qui en de temps lointains était encore considéré comme "le roi" en matière de commerce, ait du fait de cette cupide transgression une dégaine de pantin risible, et n'en ait absolument pas pour son argent, ne pèse pas bien lourd dans l'esprit vorace des acteurs de la filière textile face aux plantureux gains que cette pitoyable entourloupe permet de réaliser : réduction de l'assortissement de 12 à 6 références seulement, gains en gestion, gains en conditionnement, gains en logistique, gains en invendus.

Non seulement cette première transgression manifeste des "règles de l'art" textile a conduit à une très significative perte de qualité pour au moins la moitié de la population (soit une encolure sur deux), à qui cette démarche a interdit définitivement de pouvoir se procurer et porter une chemise à sa taille, mais aussi et surtout ni cette baisse de qualité ni les gains concomitants réalisés par la filière n'ont été répercutés dans les prix de vente. Il y a donc bien dans le chef de la filière textile dans son ensemble une volonté d'escroquerie pure et simple.

Les gens de modeste condition, n'ayant pas accès aux vêtements coupés sur mesure, sont donc fortement lésés par l'appât du gain sans frein de l'industrie textile.
Non contente de cette première brimade, la filière a ensuite très vite abandonné purement et simplement la pseudo-taille "S" en chemises, ainsi que la pseudo-taille "XXL" dans les enseignes ciblées djeuns. Il en découle que l'industrie impose arbitrairement et sans le moindre recours possible à un homme ayant une encolure "36" par exemple de porter à vie des chemises taillées pour une encolure "38".

Mais la grande distribution (p. ex. l'enseigne des supermarchés LECLERC pour ne pas la nommer) vient de pousser encore plus loin le mépris du client en réduisant la gamme des chemises dans ses rayons aux pseudo-tailles M – L – XL. Dans une première phase cette perfidie se limitait à des articles en promotion, mais depuis quelques semaines ceci a été étendu à toute l'offre de chemises, qu'elles soient en promotion ou non.
Si devoir porter une chemise de 2 tailles trop grandes était déjà un calvaire, devoir en porter une de 4 tailles trop grandes est tout bonnement inconcevable. Et alors, comment se vêtir maintenant ? Où trouver une simple chemise quand on est condamné à l'exclusion par LECLERC et que les prix pratiqués par les boutiques de haut de gamme en centre ville sont prohibitifs par rapport à un revenu qui ne permet déjà plus de faire face aux dépenses les plus élémentaires ?

Le plus affligeant de cette infamie est encore que les progrès techniques réalisés sur les machines –outils à commande numérique utilisées dans l'industrie textile permettent une personnalisation instantanée de toutes les cotes d'un vêtement depuis la coupe jusqu'au conditionnement en quelques clics de souris.
Les moyens techniques existent donc dans toute la filière pour vêtir "sur mesure" n'importe quelle personne de n'importe quelle morphologie.

Mais au lieu d'exploiter ces possibilités formidables de personnalisation, et donc d'offrir au plus grand nombre de réels gains de qualité par une coupe parfaitement adaptée au corps de chacun, l'avidité sans bornes de l'industrie la pousse vers toujours plus d'uniformisation, pouvant à court terme aboutir à une taille unique si nous n'y prenons garde.

Nous n'en sommes pas loin, et il est plus que temps de réagir pour faire comprendre que maximalisation des profits ne doit et ne peut plus rimer avec mépris de la qualité. Et encore moins avec mépris du client.
Il est plus que temps que le client redevienne roi. Plus que temps de dire haut et fort que nous en avons assez de ces entreprises qui nous imposent uniquement ce qui les arrange sans se soucier le moins du monde de nos besoins, de nos exigences et de nos désirs.

Car vous l'aurez compris, l'enjeu ne se borne pas aux encolures des chemises. Il y a plus grave, bien plus grave encore : la taille ridicule des braguettes des pantalons, tellement courtes qu'elles imposent de tomber le pantalon pour pouvoir uriner !
Plus sérieusement, le dédain des entreprises envers les clients est généralisé à tous les services et tous les produits de tous les secteurs d'activité.
Et il serait temps de leur faire comprendre que cela ne peut plus durer. Que les entreprises qui se moquent du consommateur doivent disparaître.
Nous avons tous à y gagner, car plus de qualité conduira invariablement à plus d'emplois, plus qualifiés, mieux rémunérés. Et beaucoup moins de profits pour les actionnaires. Le ré-équilibrage de la distribution des richesses passera donc, aussi, par la bonne encolure d'une chemise de confection.


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